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Israël-Palestine: en attendant Jo Biden

OPINION. Les semaines à venir diront ce que la nouvelle administration américaine va modifier ou conserver dans sa politique au Moyen-Orient. Ce changement de paradigme pourrait avoir des conséquences en Suisse, écrivent Joël Herzog et Jean Auguste Neyroud de l'Association Suisse-Israël.

Les récentes initiatives de l’administration américaine sur le MoyenOrient («le deal du siècle») ont été critiquées par la presse romande. Si l’on peut comprendre les réserves émises sur l’administration américaine sortante, il n’en demeure pas moins qu’une sérieuse réflexion est souhaitable de la part de nos journalistes: depuis des décennies, le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe perdure, avec ses échecs répétés sur les mêmes points d’achoppement. On n’avance plus, personne ne s’étonne plus.

Et voici qu’un nouvel intervenant choisit un nouvel angle de vision: d’accord pour le principe de deux pays pour deux peuples – un Etat d’Israël et un Etat de Palestine – mais le problème palestinien n’est pas le problème central du Moyen-Orient. Il faut en priorité un apaisement régional, puis un développement économique; cette perspective de vie meilleure montrera la futilité des irrédentismes ethniques, nationaux, religieux et sectaires et jettera le discrédit sur les velléités islamo-terroristes. La vieille approche socialo-tiers-mondiste du conflit israélo-palestinien date du siècle dernier et enferme toute la région dans un état de belligérance latente incompatible avec l’amélioration du bien-être des populations. Il faut inverser les priorités. C’est ce que le «novice» Jared Kushner et son équipe ont tenté de faire durant des mois, loin des médias: créer des liens nouveaux, viser à terme l’amélioration des niveaux de vie dans la région, montrer l’urgence de trouver des solutions mutuellement acceptables sur tous les points litigieux. Dès lors pour chaque partie concernée, refuser le compromis rimera avec assumer le risque de baisse de qualité de vie et perpétuer le conflit. Voilà ce qu’on peut raisonnablement appeler un changement de paradigme au Moyen-Orient! Qui a compris cela?

Changement de paradigme

C’est dans un tel contexte qu’une nouvelle équipe, entraînée par Joe Biden, va reprendre la conduite des Etats-Unis. Les semaines à venir diront ce qu’elle va modifier ou conserver dans sa politique au MoyenOrient. Ce changement de paradigme pourrait avoir des conséquences en Suisse: est-il par exemple encore tenable que des délégués suisses au Conseil des droits de l’homme de l’ONU soutiennent des résolutions anti-israéliennes déposées par Cuba, l’Algérie, le Venezuela, et autres pays «modèles»? A l’OMS il y a peu, le délégué suisse a cru bon de soutenir des résolutions anti-israéliennes à contenus mensongers. Nous avons peiné à trouver l’origine de ces décisions de vote, et noté une certaine mauvaise volonté de l’administration fédérale, et son souhait de tourner la page.

Dans la récente affaire de l’UNRWA, seul le conseiller fédéral Ignazio Cassis a osé critiquer cette organisation, alors qu’au «bout du lac» on fait profil bas: 70 ans après la guerre d’indépendance, l’UNRWA continue de soutenir réfugiés et descendants de réfugiés, à les éduquer à la haine comme si cette organisation n’avait pour seul objectif que de se perpétuer. Qui osera parler clair dans ce sujet? La Suisse souhaite devenir membre du Conseil de sécurité; son futur représentant votera sur d’innombrables sujets. Chaque vote sera dûment commenté. Trouverons-nous un représentant assez courageux pour renoncer à la langue de bois et parler vrai?

Lassitude arabe

En Israël, la majorité de la population acceptera l’idée de concessions, même importantes, en échange d’une paix durable et de relations apaisées entre voisins. Le deal du siècle semble favoriser Israël, mais chacun comprend que sa contrepartie sera dure à avaler.

Côté palestinien, le problème est la disparition de l’autorité: on attend des élections depuis des années et la tentation terroriste reste partout sous-jacente. Il n’y a ni chef charismatique inspiré ni disposition à négocier. De nombreux pays arabes semblent se lasser de l’insoluble cause palestinienne. Le concept d’unité nationale palestinienne ne semble exister que par opposition à Israël. La situation des Palestiniens est difficile: ils ont raté tellement d’occasions qu’on se demande s’ils sont capables de gérer un pays, d’en saisir l’opportunité, ou s’ils vont en rester à un rêve inaccompli.

Voilà ce que Joe Biden, seul (futur) dirigeant de poids capable de faire évoluer la situation, hérite au 20 janvier. Saura-t-il reprendre et maîtriser le nouveau paradigme? C’est ce qu’il faut lui souhaiter.


 

Cette contribution de

  • Joël Herzog, président de la Section Genève et
  • Jean Auguste Neyroud, membre du comité de la Section Vaud et vice-président national

de l’Association Suisse-Israël (ASI)
a paru dans le quotidien «Le Temps» (Lausanne) le 17 janvier 2021


Article sur le site internet du journal «Le Temps» (payant)