In absentia, ou l’imaginaire contre la Shoah
Raphael Jerusalmy, on le connaissait par ses interventions de consultant sur la chaîne israélienne i24. Invité par l’ASI-VD et le B’nai-Brit, il nous a fait l’honneur de venir à Lausanne, et nous a montré plusieurs autres facettes de sa riche personnalité. Il a commenté sa production littéraire et, actualité oblige, décrit les sursauts politiques actuels en Israël.
Jerusalmy est d’origine française. Après ses études à Paris, il est « monté » en Israël où il a fait une belle carrière militaire, suivies de plusieurs engagements dans les domaines humanitaire et éducatif, sans oublier son amour du livre et de la poésie. Notre hôte du jour est aussi un poète qui cultive Apollinaire et Villon, et les transpose dans un cadre israélien. Il construit ainsi des récits baignés de poésie, imagine des situations inédites, par exemple l’évacuation de la ville de Tel Aviv, ou d’autres événements qui, sous sa plume efficace et alerte donnent lieu à de très beaux romans historiques.
Dans son dernier ouvrage, In Absentia, l’auteur crée une fiction basée sur la réalité du camp de concentration du Struthof en Alsace française. Un bourreau et ses victimes s’efforcent de maintenir une certaine humanité dans un univers tragique où l’imaginaire a pour rôle d’adoucir l’horreur. In absentia est une tentative d’oublier la douleur et de garder la foi dans la destinée de l’homme. Avec ce récit, Jerusalmy revient sur le devoir de mémoire de la Shoah : elle ne saurait se réduire à l’évocation de souvenirs, mais doit rester vivante grâce à des présentations renouvelées et actualisées.
Passant ensuite à l’actualité israélienne, Jerusalmy décrit sa tristesse devant les rebondissements journaliers : il n’est plus question que d’antagonismes, de fossés, voire de haines profondes. Il y a bien sûr toujours eu des divergences de tous ordres en Israël, mais toujours une majorité « raisonnable » parvenait à concilier les points de vue. Aujourd’hui, cette majorité a fondu sous les coups portés par les extrêmes, tous dépourvus de la plus élémentaire culture démocratique, en particulier deux nouveaux ministres sans la moindre notion en matière de sécurité de l’état.
En synthèse, une fraction libérale des citoyens, qualifiée de « minoritaire rebelle » par une coalition mariant droite et extrême droite religieuse, refuse d’accepter une batterie de changements législatifs qui risquent fort de déboucher sur une théocratie. Toutes proportions gardées, la situation est aussi délicate pour notre ASI : devons nous rester bienveillants en fermant les yeux sur le scandale, ou manifester notre désapprobation ?
Jean Auguste Neyroud